Des fidèles venus de tout le pays avaient fait le déplacement jusqu’au Caire pour dire adieu au patriarche.
Vieilles femmes vêtues de noir, jeunes avec une croix tatouée, pauvres en tenue fruste : des milliers de chrétiens de tous âges se sont pressés aux portes de la cathédrale du Caire, mardi, où étaient célébrées les obsèques du patriarche Chenouda III. Venus pour beaucoup de villages reculés de Haute-Egypte ou du delta du Nil, nombre d’entre eux ont campé devant le vaste complexe appartenant à l’Église copte où est installée la cathédrale Saint-Marc, dans le quartier d’Abbaseya.
Devant le portail verrouillé du mur d’enceinte, ils ont crié et frappé du poing pour pouvoir assister à la cérémonie, à laquelle on ne pouvait accéder que sur invitation. Certains se sont précipités à l’intérieur en profitant d’une ouverture des battants par un employé de l’église. D’autres sont parvenus à s’introduire dans le parc en glissant le long de réverbères. « Vous pouvez toujours m’arrêter, j’arriverai à entrer ! » clamait un homme empoigné par les agents de sécurité de l’église et traîné dans un bureau.
« Père, nous t’aimons ! » criait la foule à l’extérieur de la cathédrale, où la cérémonie se déroulait devant des milliers de fidèles et d’officiels. Les premiers rangs étaient réservés au gotha, comme le magnat des télécommunications copte Naguib Sawiris ou le président du Parlement, l’islamiste Saad Katatni, présents aux côtés de dizaines de dignitaires politiques et religieux.
« Rempart protecteur »
Chef spirituel pendant quatre décennies d’une église représentant 6 à 10 % des quelque 82 millions d’Égyptiens – la plus importante communauté chrétienne du Moyen-Orient -, Chenouda III était « une personnalité de dimension nationale », a estimé la grande institution musulmane sunnite d’al-Azhar. Le Vatican a salué un « grand pasteur » dans cet homme emporté par la maladie à l’âge de 88 ans, très conservateur sur le plan religieux, en conflit avec le président Anouar al-Sadate, mais proche de son successeur Hosni Moubarak.
Nombre de ses ouailles voyaient en lui un rempart protecteur face à la montée en force des islamistes, dont les partis dominent aujourd’hui largement le Parlement. D’autres lui reprochaient un immobilisme dogmatique face, par exemple, aux demandes d’assouplir l’interdiction du divorce pour les Coptes, ou sa proximité avec le régime de Moubarak et celui des militaires qui ont pris sa suite. Mais nombre de ceux venus à la cathédrale ne souhaitaient pas évoquer les controverses sur son action et ses relations avec le pouvoir, et se bornaient à évoquer avec prudence le contexte politique incertain du pays.
« Nous avons perdu un père », a affirmé Raymond, un modeste chauffeur de « touk-touk », les petites voitures à trois roues populaires dans l’Égypte rurale. « Chenouda nous a appris à pardonner. Je souhaite que le pays se stabilise et que nous puissions nous aimer les uns les autres », a-t-il ajouté.
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[Funérailles du Pape Shenouda III] Fervent hommage aux obsèques du patriarche Chenouda III en Égypte (Le Point)
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